
Comme des Pianos désaccordés est un court roman (novella) notamment centré sur le déterminisme social, l’absurdité de la vie chère à Camus, le hasard de la naissance et les rencontres fortuites qui remplissent une existence volontairement subie.
COMME DES PIANOS DESACCORDES
9782490313570
« Je suis né boiteux et toute ma vie j’ai claudiqué.
J’ai passé le plus clair de mon temps à faire semblant. J’ai fait semblant de rire, de pleurer, de crier, j’ai même fait semblant d’aimer.
J’ai vécu mille vies mais aucune n’était la mienne...
Comment pourrais-je décrire une existence que je n’ai pas vécue ? »
Le narrateur, Jacques Danunzia, jette sur le papier quelques souvenirs fragmentés comme autant de fulgurances douloureuses, marquantes. Il navigue entre l’instant présent et les scènes d’autrefois qu’il n’a pu couper au montage.
« Qu’ai-je donc fait au cours de ces longues années ? Tituber. Je n’ai fait que tituber ».
Faut-il impérativement que la vie ait un sens ? Avons-nous vraiment le choix de prendre une direction ?
Jacques Danunzia, dramaturge de renom, affronte une partie de son passé. De son enfance populaire aux rencontres inattendues et fragmentées. « Souvenirs, attention danger ».
Jacques Danunzia, le narrateur, est un auteur de pièces de théâtre à succès. Il vient d’un milieu populaire et violent qui l’étouffe inexorablement.
Ses parents, Louis et Babette. Le père est marin et la mère reçoit dans son lit les paumés de l’existence.
Ricardo Melanzani, un épicurien à la crinière blanche. Amateur de Shakespeare et de Dante Alighieri. Un phare pour le narrateur.
L’Oncle Vania, englué dans son fauteuil de paralytique, ivre de voyages imaginaires.
Alexandre, le frère de Jacques, cloué sur un fauteuil roulant à la suite d’un accident. Il éprouvera du ressentiment et de la jalousie à l’égard de son frère.
Pépé Simon, le grand-père maternel. Un personnage fantasque et lubrique.
Raoul, le Rouge, retraité de la SNCF. Un cheminot nourri aux luttes syndicales, dans l’attente d’une Révolution prochaine.
Mila, mariée à Jacques Danunzia pendant quelques années et disparue des suites d’une longue maladie. Ces deux êtres étaient incompatibles.
Et d’autres personnages qu’il ne faudrait jamais qualifier de secondaires.
Les concepts sociologiques et philosophiques liés à
- l’existentialisme,
- au déterminisme social,
- à l’absurdité de l’existence,
- à l’égoïsme des gens
- aux convenances trompeuses.
Quel est le point de départ narratif de votre roman, et pourquoi ?
Le célèbre dramaturge, Jacques Danunzia, vient assister à la première de sa nouvelle pièce, L’Or des blés de Toscane. Il s’assoupit dès le lever de rideau et des souvenirs marquants, fondateurs et douloureux remontent alors à la surface. Cette forme de léthargie le plonge ainsi au cœur d’un passé qu’il n’a jamais pu occulter.
Selon vous, quel est le cœur de votre roman ?
Le cœur de ce roman court est centré autour du déterminisme social et de l’absurdité de l’existence théorisée par Albert Camus. Le hasard de la naissance, traité par Achille M’Bembe, est également convoqué en filigrane.
Quelle est la teneur de votre personnage principal et pourquoi ?
Jacques Danuzia a très tôt pris conscience de l’étroitesse de son milieu dans lequel il étouffe littéralement. Il va briser les portes et les fenêtres pour pouvoir enfin respirer à pleins poumons.
Dans quelle mesure votre texte entre-t-il dans la ligne éditoriale engagée conduite par les Éditions Red’Active ?
Comme des Pianos désaccordés à pour objectif de répondre au plus près à la ligne éditoriale des Éditions Red’Active, à savoir fabriquer des textes engagés, qui ont du sens et qui interrogent le lecteur.
Quelle est l’émotion dominante que vous aimeriez laisser chez le lecteur ?
J’aimerais que le lecteur termine ce court bouquin en étant quelque peu désarçonné, désorienté, voire désaccordé. La vie ne s’écrit pas de façon uniforme et les fausses notes nous font quelquefois grandir plus que de raison.
Escapades
Je ressens le plaisir de gambader sur des chemins imaginaires. Aller au cœur de la matière, se livrer nu, désorienté. Nos mémoires sont désorientées. Nos fils débranchés, mal raccordés. Ayons la déraison de briser le tableau électrique, de prendre le temps d’entrouvrir la porte de ces instants fugaces que l’on n’oublie jamais, ces instants qui viennent cogner aux tempes, intempestivement.
Je me souviens d’un repas de famille, des visages aimés, bouleversants et souvent haïs. La vaisselle du dimanche qui se voulait anglaise, les couverts en argent et le vin en pichet. Les images défilent dans ma tête, mais le son est coupé. J’observe les miens discrètement, à la dérobée. Ils m’appartiennent comme je leur appartiens. C’est si bon d’être seul en famille. Les absents nous enveloppent d’un voile si léger que nous esquissons un sourire repris par un autre, esquissé par une autre. Je revois des mains blanches et des lèvres capricieuses. L’éternité semble vouloir s’installer sur ce vieux fauteuil que j’aimais tant lorsque j’étais encore un enfant aveugle.
Le Fou
Dans le quartier où j’habitais enfant, j’étais fasciné par un homme que tout le monde surnommait « Le Fou ». Il était violent et doté d’une carrure impressionnante. Les bruits courraient sur un passé d’ancien boxeur, d’activités criminelles, de séjours en prison, etc. Un univers de fer et de sang lui collait à la peau. Il ne disait jamais bonjour et ne souriait pas davantage. Il pouvait s’absenter plusieurs mois et revenir se terrer dans son petit studio tel un loup sauvage et solitaire.
Un soir d’été, un incendie s’était déclaré au dernier étage, le quatrième, du bâtiment 61. Une femme et ses trois enfants étaient pris au piège dans un nuage de fumées noires et de flammes fascinantes. La foule observait le spectacle en attendant l’arrivée des pompiers. Nous étions tous installés aux premières loges. C’est alors que « Le Fou » a fendu la foule et s’est précipité dans la cage d’escalier, au mépris du danger. Après quelques minutes qui ont paru interminables, il est réapparu en déposant au sol les trois enfants. Il était en piteux état, les mains sur les genoux et recherchant son souffle. Le cri déchirant de la mère l’a ramené – en quelque sorte – à la réalité, et il s’est engouffré à nouveau dans les flammes de l’enfer. Mais cette fois, on ne l’a pas vu pas revenir. Il avait sacrifié sa vie pour des personnes qu’il ne connaissait même pas.
C’était difficile à comprendre, pour des gens comme nous. Chacun se battait pour défendre sa propre chapelle en utilisant les moyens les plus tordus. La solidarité n’était pas compatible avec la précarité qui écrasait impitoyablement les âmes charitables. La dureté et la violence avaient force de loi.
Les pompiers et les ambulances prirent possession des lieux. À l’approche des forces de police, la foule se dispersa. De plus, la télévision retransmettait un match de Coupe de monde de football que personne ne voulait manquer.
Je restai immobile quelques instants à contempler les dégâts. Un homme avait bousculé l’ordre établi. Pourquoi ? Je n’arrivais pas à trouver une explication rationnelle à ce geste fou. Mais je savais au fond de moi que la vie bientôt reprendrait son cours avec son lot d’indifférence et de rage ravalée. Je courus à en perdre haleine pour ne pas manquer le début du match.





