
Artus pourrait être un humaniste. Mais il est poussé à ne plus supporter ses semblables. Il s’indigne. De tout. Dans son travail, ses amours vides, certaines amitiés, le monde tel qu’il dégénère, et face au spectacle du quotidien. La tentation de partir, DE rompre avec la société existe. Mais toujours deux, trois humains autour de soi qui valent le coup. Que sont-ils. Des ailes qui nous portent ou des boulets qui nous retiennent ?
J'AIME PAS LES GENS (MAIS Y'A DES GENS QUE J'AIME)
C’est assez simple. Artus a vécu deux vies. Une vie avant Laura. Une autre après sa rencontre : l’ivresse et la lumière, et cette pensée dérisoire qu’il serait possible d’apprécier la vie. La confirmation qu’une poignée d’humains valaient vraiment la peine d’être aimés.
Aujourd’hui, il se contente de prendre place à côté d’elle, une ou deux fois par mois. De se taire lorsque Laura se tait. D’échanger quelques mots quand elle accepte de prononcer quelques phrases. Il leur arrive aussi de converser une heure ou plus.
Une France chagrine, le Sud des vies rêvées, Sarajevo et le chaos, l’horreur d’un monde qui dégénère… Artus, Laura, Guillaume, Albi, Fabien, Sophie Marceau, un sac rempli d’un million de dollars, plus lourd, plus écœurant qu’imaginé… des destins mêlés où se côtoient le beau et le pire de l’âme humaine, l’amitié sans compter, et la moisissure dans les coins.
Un récit contemporain, fort d’une clairvoyance intemporelle.
« L’indignation reste surement la dernière élégance de l’homme ».
L’indignation peut-elle rester l’ultime élégance qu’on puisse avoir ?
Rompre avec les autres humains, ne pas aimer ce qui n’est pas aimable, est un piège qui salement isole. Mais nul n’échappe à ses propres fuites.
Artus, écrivain blacklisté, rend visite à Laura, revenue dans la ville, toujours vivante, vieille femme handicapée qui passe ses journées à couver une grille d’égout sous un abribus. Il déteste les gens, sauf Laura, qu’il a toujours aimée. Son ancienne prof de fac. Et puis Albi, et Guillaume. Les autres ne valent pas la peine de vivre.
Albi, la prof fatiguée, qui rêve de son château en Espagne, sa ferme dans les Corbières, pour cultiver ses tomates au soleil. Amoureuse à vie et à tort de Guillaume. Elle sait qu’Artus ne mettrait pas autant d’énergie à détester les gens s’il n’aimait pas autant le genre humain.
Guillaume, l’ami de jeunesse d’Artus, avec Albi. Parti en 1995 se désennuyer de la vie à Sarajevo, avec un appareil photo. Il en revient avec une double tragédie dans le dos, un million de dollars pour se taire, dont il ne veut pas. Avec une vie ratée, surtout.
Fabien, le dernier de la bande, qui saura quoi faire de ce million, à l’insu d’Albi et Guillaume, mais pas d’Artus, qui lui ferait bien la peau, s’il le pouvait.
Laura, la prof pour qui Artus s’est mis à écrire, pour espérer lui plaire. Une Madone fantastique massacrée un jour, jadis, à coups de barre de fer. Ni vol ni viol. La découverte du mal, pour Artus, quand il était jeune. Le mal gratuit. Elle revient. Vingt ans plus tard. Couve une grille d’égout et sait silencieusement qu’Artus fut la cause de son agression.
Clément, son mari. Un petit homme dont la seule gloire dans la vie aura été d’avoir épousé Laura.
Bérengère. L’amour imprévu d’Artus. DRH. Enfin… c’est ce qu’elle dit.
Puis d’autres personnages. Des passants très présents.
La France et le monde contemporains, dans leurs dérives, abiment les esprits singuliers. Ce roman s’adresse à tous ceux qui le regard veulent garder ouvert. 1995. Sarajevo. Le top départ de tout ce qui déraille. La société des femmes et des hommes repliés sur leurs vies, coute que coute. Abreuvés d’infox. Et le désir pur de vivre et de chercher la lumière derrière la montagne, pour certains.
Quel est le point de départ narratif de votre roman, et pourquoi ?
Laura est toujours vivante. La première phrase. Je me suis laissé guider. Qui est Laura ? Pourquoi toujours vivante ? Je voulais travailler sur une misanthropie contemporaine. Puis, un soir, ma fille est rentrée du lycée en déclarant « j’aime pas les gens, mais y’a des gens que j’aime ». L’aventure narrative a ainsi commencé.
Selon vous, quel est le cœur de votre roman ?
L’humain. Si admirable. Avec des millénaires d’acquis. Des progrès presque inconcevables dans ses sociétés. Mais systématiquement décevant quand on regarde les individus. Une déception cependant interdite. Qui sera toujours reprochée aux yeux clairs.
Quelle est la teneur de votre héros (héroïne) et pourquoi ?
Jeune, il s’est acharné à poursuivre la lumière, à frotter des cailloux. Puis la vie, le monde. Puisqu’il s’agit de vivre, puisqu’il est un humain, avec certains devoirs, il choisit l’élégance de l’indignation.
Dans quelle mesure votre texte entre-t-il dans la ligne éditoriale engagée conduite par les Editions Red’Active ?
Une grande partie de bowling avec de nombreux strikes. La colère du monde ; à cause du monde. Mais une colère passée au filtre souple de la phrase. Travail terrible. Travail exigeant. Respect du lecteur. De mon éditrice. De mon oreille. La colère sans le style n’est que violence. Ouvrez les journaux. La colère au filtre de la pensée et de vies fictives (mais plausibles), c’est la littérature. Les choix de Red’Active. Auxquels je demeure fidèle. Le chien sur son os. La chair sur les os.
Quelle est l’émotion dominante que vous aimeriez laisser chez le lecteur ?
Mes premières émotions littéraires ont été absolument bouleversantes. Sorti de rien, j’ai trouvé des clés. Des trousseaux de clés. Et la lumière s’est pointée. Par moments. Si je pouvais donner, non un trousseau, mais une moitié de clé à un de mes lecteurs… le chemin ne serait pas vain. Non. Pas donner. Partager. Partager une clé. Et faire que l’aimable subsiste.
Laura est toujours en vie. Sa beauté reste étonnante. Ses cheveux ont perdu leur longueur, mais ont conservé cette couleur qui le fascinait, d’ambre et d’or mêlés. Comme quand l’hiver, le ciel se déchire au-dessus de la mer.
Il tourne sur l’avenue, en direction de l’abribus sous lequel Laura use le temps qui lui reste à vivre, dans la contemplation d’un décor sans intérêt. Les arbres d’un parc en face, un trottoir peu fréquenté. Quelques joggers traversent le paysage. Des jeunes femmes très sveltes, très peu vêtues, fendent l’air, écouteurs dans les oreilles, filant comme des missiles vers une cible invisible, suivies par moments par d’autres coureurs, qui soufflent et souffrent en damnés.
Laura est immobile. Les pieds méthodiquement rivés sur la grille des égouts.
Il arrive dans son dos. Chaque pas vers elle ressemble à une année de moins. Une marche qui ravale le temps. Dix, quinze, vingt pas. Vingt pas et un peu plus.
Il n’aurait jamais imaginé qu’elle puisse revenir dans cette ville, qu’il pouvait lui rester assez de force, ou de volonté.
Il n’a pas posé de question. Pas cherché à creuser. Encore moins à comprendre. Il ne sait pas davantage si leurs entrevues lui font du bien ou s’il en éprouve une douleur particulière. Il se contente de prendre place à côté d’elle, une ou deux fois par mois. De se taire lorsque Laura se tait. D’échanger quelques mots quand elle accepte de prononcer quelques phrases. Il leur arrive aussi de converser une heure ou plus.
Au début, le bus s’arrêtait à sa hauteur. Les portes s’ouvraient à l’avant. Le bruit caractéristique des vérins dociles invitait Laura à se dresser pour escalader la marche constellée de vieilles taches de chewing-gums. Le chauffeur laissait passer une poignée de secondes, la regardait comme on laisse glisser une pub insignifiante sur un écran, puis faisait redémarrer son engin en secouant la tête. Quand ils la repèrent, seule, assise comme une statue au-dessus de sa grille d’égout, les bus ne s’arrêtent plus, désormais. Ils passent leur chemin. Artus a fini par se dire qu’il ne réagirait pas autrement. Lui aussi laisserait courir son véhicule à la vue de cette espèce de folle immobile. Mais Artus se trouve de l’autre côté de la scène. Malgré les apparences, Laura n’est pas une espèce de folle immobile.





