
Un roman coloré de noir, pour se fondre dans la nuit des hommes… Un récit qui propulse dans l’existence des êtres qui auraient sans doute préféré échapper à la vie. Mais on ne choisit pas ça.
JE
9782490313426
Il est vivant et ouvert à tous les possibles.
Rien d’impossible a priori, dans une existence ordinaire.
Mais pour lui, rien ne vient. Les portes du monde se ferment dès son arrivée chez les vivants.
Prisonnier de son enfance, il passera le reste de sa vie derrière des barreaux. Ses pensées sont sa cellule, ses errances son horizon.
Elle a, selon la formule consacrée, tout pour elle.
Il lui suffit de pousser la porte pour que s’ouvre devant elle le royaume majestueux de la vie.
Elle, mais elle n’est pas.
Condamnant elle-même le monde enchanté qui lui tendait les bras, elle arpente inlassablement les désillusions de l’existence.
En quête de soi, chacun cherche l’autre.
Pour exister, pour se propulser dans la vie. Dans une intention de vie.
Dans la quête de l’autre, que reste-t-il de soi ?
Qui suis-je ? Comment bâtir une vie sur un terrain vierge de toute fondation, sur les friches des passés abimés et le sol glissant des pensées ?
Une enfance meurtrie, les ravages du désamour, les errances de la jeunesse, un acte manqué que l’on ne manque pas, et tout bascule. Dans l’indifférence du monde. Une quête identitaire, contenue dans ce titre singulier, un rien provocateur et racoleur, comme une affirmation de l’existence de soi. Au sein de cette quête se tisse un réseau complexe de relations réelles ou fantasmées, où tout se joue à deux. Duos, duels, dualités, et doubles explorent la thématique de l’identité, avec tout ce qu’elle véhicule : la part sombre, la part visible, ce que l’on perçoit, ce que l’on invente. De jeux de miroirs en faux-semblants, entre mensonges et secrets, ce récit explore les rouages des constructions identitaires et les processus de déconstruction de soi.
Lui. L’enfant abîmé, dont l’existence même est niée. Celui qui s’affranchit des limites, qui franchit les limites. Je.
Elle. La fille parfaite, dont la route est toute tracée. Mais ce n’est pas là qu’elle va. Celle qui s’engage dans des impasses. Je ?
Angie. Un être dédoublé. Qui est-il ?
Maud et Milla. Deux personnes en une. Qui sont-elles ?
Les psys. Que font-ils ?
Les juges. Que croient-ils ?
Les parents. Que pensent-ils ?
Les narrateurs. Comment font-ils ?
Les systèmes de prise en charge des individus en situation de détresse, des publics fragiles ou défaillants. La question de la responsabilité.
La prise en charge psychologique. Dérives, lacunes et limites.
Le système judiciaire. Erreurs judiciaires. Justice et injustice. Interprétation et sanction. Punition et impunité.
Tueurs en série et crimes de circonstance. Quand la justice devient une fabrique à crimes.
Identité individuelle et identité collective. La part de l’autre dans la construction de soi.
J’avais onze ans et c’était la première fois que ma mère m’emportait dans ses bagages pour les vacances.
Elle avait préparé, avec son habituelle application, son sac de voyage en cuir souple, accueillant un linge doux aux senteurs typiquement féminines, minutieusement plié. Je me trouvais, quant à moi, affublé d’un sac à dos Quechua trente-cinq litres, coloris vert pomme avec coutures jaune jaunisse et sans armatures ; sans doute le premier prix acheté en urgence à Décathlon, la veille de notre départ, alors qu’elle s’était rendue dans ce magasin pour se procurer des chaussures de marche semi-pros. Moi, j’étais chaussé, m’a-t-elle dit, j’avais des baskets financées au mois de septembre précédent par l’allocation de rentrée scolaire, douze euros la paire. Ma mère m’avait généreusement acheté les deux. Les deux baskets, pas deux paires. Un tel investissement aurait été peu judicieux, m’avait-elle expliqué, extrêmement risqué même, étant donné que mon âge et ma croissance représentaient un risque élevé de changement de pointure. Il fallait donc attendre avant d’investir dans une deuxième paire.
Nous étions en juillet, la taille de mes pieds n’avait pas évolué, j’étais donc parfaitement équipé. Je partais avec mes baskets à la semelle lissée par l’usure, dans les pas de ma mère arborant fièrement ses chaussures de randonnée semi-pros à crampons, genre roues de tracteur. Le sol, ainsi structuré par ses empreintes, me préserverait, je l’espérais, d’une glissade honteuse. L’état de mes godasses m’octroya malgré tout un privilège : j’avais le droit, me susurra la conscience de ma mère, de les finir. Autrement dit, je pouvais les déchirer, les fracasser, les achever, il ne m’arriverait rien : ni brimade, ni punition, ni humiliation. Le bonheur me titilla presque à cette annonce.
Presque.
Le soulagement, en tout cas, ça, c’est sûr.
J’eus la charge de préparer mon sac tout seul, ma mère arguant qu’il s’agissait d’un bon entrainement à l’autonomie. J’accueillis, comme il se doit, le bel effort éducatif que fournissait ma mère pour contribuer à mon épanouissement personnel : avec perplexité. Ce n’est pas que j’avais l’habitude d’une prise en charge maternelle ou maternante concernant les différents aspects de mon quotidien. Pas du tout. Bien au contraire, vous avez déjà une petite idée des contours maternels qui se dessinent. Enfin, petite idée, c’est pour utiliser l’expression convenue. En vérité, je pense que vous avez la vision parfaite de ce que je vous décris. Donc, ce n’était pas le fait d’être livré à moi-même qui était perturbant en soi. C’est plutôt que je n’avais jamais quitté le domicile familial, je n’étais jamais parti de la maison, contrairement à ma mère qui s’en exilait tous les week-ends à peu près. Je n’avais jamais dormi ailleurs que dans la chambre qui m’avait été attribuée. Alors, j’ignorais totalement ce qu’il fallait emporter avec soi, je n’avais aucune conscience de ce qui était nécessaire. J’étais tellement habitué à n’avoir besoin de rien, ou plus exactement à me passer de tout, que je fis mon sac comme je faisais ma vie : avec le minimum. Je ne savais même pas combien de temps on partait, mais je préférais rester dans l’ignorance que risquer de lui poser la question.
Après tout, peut-être ne le savait-elle pas elle-même.
Quel est le point de départ narratif de votre roman, et pourquoi ?
Il est assez complexe d’établir la genèse de ce roman dans la mesure où le point de départ narratif n’est pas le début du récit, mais la fin. C’est l’aboutissement du texte qui est en quelque sorte l’alibi de son élaboration. Et l’alibi est nécessaire, dans la mesure où il s’agit avant tout d’une histoire criminelle. Même si celle-ci n’est pas mise en vedette, mais située à l’arrière-plan, en fond de décor, en toute discrétion, presque dissimulée derrière l’ordinaire et la vie qui s’écoule, comme un criminel se cache dans la foule des anonymes.
Le point de départ narratif, c’est la question de l’identité. Raconter, au travers d’un enchevêtrement de circonstances aléatoires et qui nous conduisent à des actes que ne relèvent pas forcément d’une intention, ni même d’une réflexion, que l’on n’est pas toujours ce que l’on est. Mais qui que l’on soit, quelque acte que l’on commette, on ne fait que se heurter à la magistrale indifférence du monde. Chaque acte tourné vers l’autre nous ramène à nous-mêmes, chaque recherche désespérée du regard de l’autre ne fait que dénoncer notre inhérente solitude.
Selon vous, quel est le cœur de votre roman ?
Le cœur du roman, c’est la mise à nu des mécanismes des constructions identitaires. Comment l’identité d’un individu se développe et s’affirme en fonction de la perception que les autres ont de lui. Quelle est la part de l’autre dans la définition de soi ? Comment chaque individu présente une dualité, de par sa construction fragmentaire, conditionnée par l’impact social et le rôle de l’affect.
Le roman s’essaie à déloger le monstre ordinaire que chacun porte en soi, derrière son masque d’insignifiance. Et parce qu’il ne s’embarrasse pas de cinquante nuances de noirs, qui auraient pu permettre d’entrevoir une lueur d’espoir, parce qu’il est obstinément opaque, d’un noir absolu, il porte en son cœur et à bout de bras deux questions essentielles : Qui suis-je ? Comment devenir ? Qui être et comment être dans un contexte de désaffection des autres, et où la justice se révèle être l’arme du crime…
Quelle est la teneur de votre héros (héroïne) et pourquoi ?
Il y a deux personnages principaux dans ce roman, construit en deux parties. Chacun habite, hante sa partie et promène son existence dans les pages de l’enclos qui lui est réservé. Ces deux personnages sont ainsi dissociés l’un de l’autre par la structure du récit, et aucune interaction ne les réunit. Mais alors ?...
Ce ne sont pas des héros, ni même des antihéros. Ce sont les non-héros fades et inconsistants d’existences sans éclats. L’ordinaire les sauve en même temps qu’il les marginalise, et chaque acte commis perd son aspect remarquable tant on ne le remarque pas. Ainsi la question de l’identité, centrale, la quête identitaire, éperdue, sont balayées par cette espèce de négation de l’existence de soi. Comment prétendre être quelqu’un quand nos actes, nos intentions, nos motivations, nos choix, nos cris sont ainsi niés ?
Dans quelle mesure votre texte entre-t-il dans la ligne éditoriale engagée conduite par les Éditions Red’Active ?
Ce texte aborde des thèmes sociétaux tels que la justice, la psychologie des individus, les mécanismes de construction de soi. Au-delà de ces problématiques qui interrogent les déviances individuelles et les défaillances sociétales, c’est avant tout un peu de littérature qui, entre déterminisme et liberté, entre solitude et quête de l’autre, pose un certain regard sur un monde incertain.
Quelle est l’émotion dominante que vous aimeriez laisser chez le lecteur ?
De même que tout est double dans JE, ce roman se prêt à une double approche et cette lecture a un double enjeu. A travers elle, le lecteur peut :
Questionner son rapport à la lecture. Notamment en éprouvant, en mesurant les limites et les dangers de l’empathie. Peut-on s’attacher à un individu criminel ? Jusqu’à quel point ? Qu’est-ce que le degré d’attachement ou de rejet dit de nous ? Qu’est-ce que texte révèle de nous ? Qu’interroge-t-il chez nous ? Qu’est-ce qui influe notre perception de cette histoire ? Quelles sont les interactions entre le lecteur et le texte ?
Questionner son rapport à l’écriture. Les spécificités de la narration de ce récit, qui vont jusqu’à dénaturer le propos, où se superposent plusieurs niveaux de fiction qui fonctionnent eux-mêmes comme une mise en abîme de la réalité.
J’aimerais que le lecteur joue avec le fond et la forme dans ce récit dont le contenu sombre est concurrencé par l’aspect ludique de la narration.
Qu’il fasse de JE un jeu.
Sans autre enjeu que le plaisir d’une lecture. Et se demander en aparté, pourquoi cette lecture serait susceptible de procurer du plaisir…





