
La Mongolie Intérieure ne conserve pas uniquement une Histoire triplement millénaire, elle est aussi un pays de contraste et d’une Culture que son immense voisin chinois lui soustrait au fil des décennies. Dans un Sourire pour Chuluun, le lecteur suit Cyrielle, journaliste française partie à la recherche de son ami d’enfance, journaliste freelance, qui n’a soudainement plus donné signe de vie là-bas. Entre douces rencontres et terribles découvertes sur fond d’exploitation des terres rares, Cyrielle ne rentrera pas indemne de son périple.
UN SOURIRE POUR CHULUUN
Suite à l’appel désespéré de Francis, son ami d’enfance, Cyrielle, jeune journaliste française, quitte précipitamment le continent pour la Mongolie-Intérieure. Les messages incongrus que Francis lui envoyait depuis quelques mois prennent alors valeur d’indices.
Pourquoi cet amoureux de la nature, cet idéaliste qui rêvait – sans naïveté – d’un monde où la bienveillance humaine et le respect de la Terre pourraient triompher, était-il manifestement terrorisé lors de ce dernier appel ? Qu’a-t-il cherché à dire à Cyrielle ? Où est-il à présent ?
Un véritable jeu de piste à la croisée des cultures, sur fond de revers de la transition écologique et d’exploitation des terres rares.
Un roman aussi haletant qu’enrichissant !
À découvrir absolument…
Avons-nous le droit d’ignorer le reste du monde lorsque l’on s’attache à engager la transition écologique ?
L’urgence climatique est d’actualité. Pourtant, si j’ai écrit ce livre, ce n’est pas pour être dans l’air du temps, mais bien par désir de comprendre moi-même. Et parce que je pense que stigmatiser n’est pas la bonne manière de faire, j’ai voulu traiter ce sujet sans heurter, dans l’optique d’informer et de questionner sur ce thème primordial qu’est la course à la transition énergétique et écologique. J’ai voulu mettre l’accent sur ce qu’il se passe à l’autre bout du monde dans l’un des pays à la source de « notre » transition avec des personnages de cultures différentes, mais auxquels on ne peut que s’attacher pour se sentir « concerné ».
Cyrielle Lambert : journaliste française, obsédée par son métier et sa place en tant que femme au sein de la profession. Peu concernée par l’écologie.
Francis Ancel : journaliste freelance établi en Mongolie Intérieure, et engagé pour l’environnement. Son nom – à défaut de son corps – est au centre de ce récit, mais reste une énigme.
Bruno Larcher-Ogodei (son nom complet Bruno-Batbayar Larcher-Ogodei) : journaliste franco-mongol correspondant permanent à Pékin et à Hohhot. Il accueille Cyrielle, la guide et l’aide dans son enquête. Une vraie complicité s’installe entre eux.
Li Tsu Huang : patron de la Bao-Huang Corp, le plus grand groupe industriel dans l’exploitation et la transformation des terres rares du pays. Son seul horizon : le profit et les honneurs.
Abaqa Van Ho : contremaître de la Bao-Huang Corp, bras droit de Li Tsu Huang. Fidèle et dévoué à son patron, il cache pourtant sa propre part de mystère et de contradictions.
Chuluun : jeune chinois d’origine mongole de seize ans, vivant à Baotou en Mongolie Intérieure, malade à cause de la pollution induite par les raffineries de terres rares, mais plein d’espoir et de rêves, dont celui que lui apporte le souvenir du sourire d’une petite fille qu’il a rencontrée quelques années plus tôt.
Sinchin Batukhan : architecte mongol qui vit en ermite dans la steppe mongole. Il a été chassé par le Parti il y a plusieurs années parce que ses idées architecturales n’étaient pas en phase avec celles du pouvoir en place. De plus, il a très bien connu Francis Ancel et semble au courant de certaines choses.
Mankhayana Batukhan : femme très âgée, mère de Sinchin, chamane qui a toujours vécu en se cachant, car le chamanisme est interdit et durement réprimé. Elle défend les traditions mongoles.
Les autres personnages (famille de Chuluun, celle de Sinchin et Mankhayana, ainsi que les journalistes – dont Simon, le rédacteur en chef de Cyrielle –) ne sont pas précisément cités dans cette liste.
La course à la transition énergétique constitue l’un des thèmes principaux de cet ouvrage, mais je voulais le traiter autrement. Parce que nos pays occidentaux sont à l’extrémité de la chaîne en « recevant l’objet fini » (Smartphones, éoliennes, voitures électriques, etc.), je voulais me situer de l’autre côté, du côté de ces pays qui extraient la matière première, la raffinent et vivent en permanence avec les difficultés liées à ces métiers pénibles, à la pollution et aux maladies que cette industrie entraîne à grande échelle pour les populations et l’environnement.
La résilience : Un mot souvent galvaudé, mais qui peut s’appliquer ici. Lorsque l’on travaille pour une industrie dont on connaît pertinemment les conséquences pour sa propre vie, mais qu’il faut nourrir sa famille, c’est une forme de résilience et elle crève le cœur.
La perte d’identité : C’est en faisant mes recherches pour écrire ce livre que j’ai découvert ce que le Pouvoir chinois a fait au peuple mongol de Mongolie-Intérieure (on l’appelle d’ailleurs Mongolie du Sud, car « Mongolie Intérieure » est devenu un terme péjoratif). Afin d’imposer son modèle économique et social, la Chine s’est attachée à siniser à tout prix cette région autonome située tout à fait au nord en installant – souvent de force – de jeunes Chinois diplômés dans les villes et campagnes pour se « mêler » aux Mongols, en repoussant les nomades le plus loin possible, en réprimant le chamanisme ancestral, en interdisant la langue mongole à l’école et même en réécrivant des passages des livres d’Histoire.
L’engagement et l’Humain : Heureusement, il existe toujours des gens pour s’unir et défendre des causes justes. Il est notable aussi de considérer que l’Humain peut être différent d’un pays à l’autre. Il rencontre toujours des écueils, des inégalités, des dérapages, mais au fond, il peut avoir des rêves et des espoirs semblables, il peut s’émouvoir d’un sourire et compter sur sa curiosité pour avancer et trouver des solutions.
Ce qui me perturbe, et j’espère que ce livre parvient à démontrer, c’est qu’il est profondément injuste de vouloir le meilleur pour soi au détriment des autres.
Ils reprennent leur progression. De maigres buissons épineux émergent du sentier de terre rougi par l’oxydation des résidus de fer. L’étendue du lac est stupéfiante. Les berges sont maculées de boues noirâtres, la surface du lac est presque aussi obscure que du pétrole, et le grillage laisse apparaître des ouvertures méthodiquement découpées, signe que la surveillance est loin d’être parfaite. Sans doute se relâche-t-elle la nuit… Ils atteignent la clôture. Cyrielle en profite pour sortir son téléphone portable et réaliser quelques photos rapides à travers les mailles poisseuses.
— Je ne sais pas si mon pays a déjà vu une chose pareille, confie Cyrielle, mais je vais envoyer ces clichés à Simon avec un bon petit article. Après tout, je suis aussi là pour faire un reportage, non ?
— On est dans un pays où l’information est contrôlée, autant sur son propre territoire que vers les pays étrangers. Je suis presque certain que tout ce qui se passe ici depuis de nombreuses années est dissimulé au monde entier[1].
— Eh bien, je vais y remédier, annonce Cyrielle triomphale en replaçant son téléphone portable dans la poche de sa veste.
La réalité de ce barrage de résidus n’explique pourtant pas la disparition de Francis. Il ne s’agit que d’un indice, et l’homme, la veille, a fait allusion à un dossier. Alors qu’ils repartent vers le 4X4 en prenant garde de rester invisibles pour les caméras de surveillance, Bruno émet soudain une remarque.
— Hier, le type a parlé d’un dossier que Francis devait avoir chez lui, tu te souviens ?
— Pas du tout, de quoi parles-tu ? demande Cyrielle en fronçant les sourcils.
— Mais oui, Cyrielle, il a dit être venu nous prévenir que l’appartement de Francis était surveillé et qu’il pensait que quelqu’un allait venir chercher le dossier du Français. C’est sûrement un document que ces gens-là ne veulent pas voir sortir du pays.
— Je te rappelle que tu as pas mal discuté avec ce type et que tu ne m’as pas tout traduit ! répond la jeune femme, contrariée.
— C’est possible, excuse-moi. Bon, donc, tu as compris le topo : ton ami a dû constituer un dossier sur la société dont le nom est inscrit sur le ticket de métro, assez costaud pour qu’il l’ait mené à la mort. Je ne vois que cette possibilité.
— Allons voir cette Bao-Huang Corp alors, et nous serons fixés, conclut Cyrielle, en s’installant sur le siège passager, les bras croisés, impatiente de reprendre la route.
— Tu es consciente du danger ? l’avertit Bruno avant de démarrer.
Quel est le point de départ narratif de votre roman, et pourquoi ?
L’idée de ce roman m’est venue après avoir visionné un reportage en 2020, intitulé La Face cachée de la transition énergétique (par Guillaume Pitron, journaliste d’investigation). Il faisait écho à mes questions sur l’avenir. Notre planète est fragilisée par ce qu’en font les êtres humains. Ce journaliste a sillonné pendant plusieurs années les pays du monde qui exploitent des mines de métaux et de terres rares (Chili et les mines de cuivre, Chine, Afrique, etc.) pour montrer la face peu réjouissante de la transition énergétique qui est nécessaire et urgente, mais à quel prix pour de nombreux peuples. En voyant ce reportage, j’ai voulu approfondir, pour moi-même d’abord, puis j’ai ressenti le besoin d’en faire le sujet de mon prochain roman, mais d’une manière qui « interpelle » et « émeuve » plutôt que de façon stigmatisante. Alors, j’en ai fait une histoire, une fiction, où la sensibilité de chacun peut faire le travail.
Selon vous, quel est le cœur de votre roman ?
Je pourrais répondre les revers de la transition énergétique, mais je préfère répondre qu’il s’agit de l’âme humaine. Car ce livre est avant tout une aventure humaine, c’est un rapprochement d’identité, de sensibilité, d’Histoire, d’engagement, d’Amitié, de découverte, de réflexion et de tissage de liens. Cyrielle, Chuluun, Bruno, Sinchin, Mankhayana, Simon, Enkhetuya et les autres, des noms qui diffèrent et s’entrecroisent, qui évoluent chacun de leur côté et pourtant se retrouvent quelque part (un quelque part physique, mais aussi psychologique, voire philosophique) à un moment donné et s’ancrent dans une partition que la distance ne pourra pas briser.
Quelle est la teneur de votre héros (héroïne) et pourquoi ?
Dans ce roman (comme souvent dans mes écrits), aucun personnage ne se détache réellement des autres, pour être supposé « héros ou héroïne ». Ici, tant Cyrielle que Chuluun ou Mankhayana ou Li Tsu Huang, voire Enkhetuya ou Bruno ou Abaqa ou Francis, ont chacun une importance que j’estime de même ampleur.
Il reste que le personnage principal pourrait être la « conscience de ce qui se voit et de ce qui ne se voit pas » dont chacun de mes personnages est un chaînon à prendre en considération.
Quelle est l’émotion dominante que vous aimeriez laisser chez le lecteur ?
Comme pour la question précédente, il m’est impossible de catégoriser les émotions que j’espère faire naître chez le lecteur ni même en discerner une dominante. Au minimum, j’aimerais faire ouvrir les yeux sur une réalité que l’on ne voit pas, non pas parce qu’on ne veut pas la voir, mais parce qu’on nous la tait.
Je n’ai pas parlé du titre qui souvent surprend. Et c’est peut-être ici que je peux en dire quelques mots. Ce sourire est un fil conducteur entre deux êtres que les aléas de la vie ont séparé et qui contient en lui l’Espoir avec un grand « E », un relais entre le monde d’hier et celui de demain peut-être, ou entre vous et moi, ou entre nous et les gens, à l’autre bout du monde.
Dans quelle mesure votre texte entre-t-il dans la ligne éditoriale engagée conduite par les Éditions Red’Active ?
Engagé, ce texte l’est de par son sujet et mes recherches entreprises pour le mener à bien, en puisant dans les ressources non pas uniquement souterraines de Mongolie Intérieure, mais aussi dans celles des êtres qui y vivent. J’ai eu à cœur de rapprocher des cultures différentes, de croiser les visions occidentale et orientale d’un sujet qui intéresse le monde entier désormais. J’ai cherché, avant tout, à écrire une aventure humaine avec ses heurts, ses doutes, ses souffrances et ses espoirs.





